Dungeons and Dragons : 1, 2, 3, 3.5, 4, 5…

Ça y est, DD5 est sorti, lu, décortiqué, et prêt à jouer. Évidemment la lecture fut l’occasion de repenser à ma carrière de rôliste depuis le début… Et l’envie me vint de faire un petit comparatif des éditions de D&D (et surtout de la dernière, évidemment) ! Bref, si un rappel de ce qui s’est passé depuis la 2e édition ne vous intéresse pas, rendez-vous directement à la fin de l’article.

Advanced Dungeons & Dragons 2

J’ai commencé relativement tard, à l’université (quelle excellente idée…) avec AD&D2. A priori avec cette boîte, même si tout ce dont je me souviens, c’est une histoire avec un certain « Taran Robe-brune », un homme-lézard, un cube gélatineux, et une ombre qu’on pouvait éliminer en éteignant nos torches. C’était en 2000 ou 2001 et quelques parties suivirent… C’était il y a longtemps donc, et j’ai surtout le souvenir d’une édition complètement bordélique et incohérente.

Coup de coeur de AD&D2 : Planescape. Mais est-ce dû à la qualité intrinsèque de l’univers, ou à l’influence du jeu vidéo Planescape Torment et aux magnifiques illustrations de DiTerlizzi ?

Dungeons and Dragons 3 (et 3.5)

A peine après avoir commencé sortait une toute nouvelle édition : la troisième (suivie de près par une version revue et corrigée, la 3.5). Une révolution ! La plupart des règles bizarres de la seconde édition passèrent ainsi à la trappe : plus de thac0 (cette aberration mathématique), un système de jeu plus homogène (au revoir les jets de sauvegarde au d100), des caractéristiques traitées de la même façon (fini le 18/00 en force), un multiclassage pareil pour les humains et les autres. Un pur bonheur !

En termes de création, l’ouverture du d20 system à l’OGL (Open Game Licence) a permis à bon nombre d’éditeurs de proposer leur version, leur sous-ensemble de règles, leur univers et leurs scénarios. Le monde fut noyé sous les productions d20, pour le meilleur (certaines gammes de grandes qualités, la facilité d’avoir un seul système à gérer) et pour le pire (moins de place pour les autres productions).

Mon petit coup de cœur personnel fut les Royaumes d’Acier, édité chez Ubik, et malheureusement abandonné après la sortie des deux ouvrages de base.

3.75 ?

Au moins deux autres gammes d20 méritent un petit détour.

La première est Chroniques Oubliées, une production française. Elle est d’abord sortie en 2009 sous la forme d’une petite boîte d’introduction comprenant des règles d20 simplifiées et fluidifiées, des prétirés et quelques scénarios. Il a été réédité dans Casus Belli, puis enfin en tant que jeu complet en 2014. Édité par Black Book, il offre, outre sa simplicité (relative), l’avantage d’un excellent suivi de gamme, incluant des scénarios, des campagnes, et des « variantes » Cyberpunk, Galactic…), en faisant ainsi un système aussi complet que le d20 dont il est issu. Mais avec un départ plus simple, donc un excellent jeu d’initiation, tout en permettant une évolution en douceur. Ni trop, ni trop peu.

Le deuxième est un monstre, un véritable titan : Pathfinder. Il s’agit peut-être bien de la version de DD la plus jouée à ce jour (mais juste comme ça, au feeling, je n’ai aucun chiffre). La force de Pathfinder n’a pas été son système (c’est du d20 à peine modifié, même si les classes ont été rééquilibrées). Ses points forts sont ailleurs : une gamme cohérente, une profusion d’options et de personnages (arme à double tranchant, faisant de Pathfinder une usine à gaz), une unité et une qualité graphique impressionnante, mais surtout de nombreuses campagnes épiques, variées, et encensées par les critiques.

Bref, en 3e édition, il y avait du choix.

DD4

Toujours à l’université, mais cette fois à Atlanta. J’ai eu à la chance de vivre, en 2008, la sortie de DD4 sur le territoire de l’oncle Bush.

Mauvais choix de mécaniques de la part de Wotc (l’éditeur US), mauvais timing, mauvaise communication, je ne sais pas… Mais DD4 fut un flop complet. Encore pire en terres francophones qu’aux USA. Moi-même, à la lecture du bouquin, et surtout à la lecture des forums rôlistes, mon premier avis sur cette édition fut assez négatif. Elle ressemblait de loin, en feuilletant, à un manuel pour un jeu de figurines.Mais j’avais de la chance, je m’étais trouvé un ami geek sur place, et l’échange de points de vue fut fructueux.

En creusant un peu, DD4 avait de sacrées qualités. Les règles étaient encore plus cohérentes, continuant le travail commencé en 3e édition. Désormais, sorts et attaques spéciales fonctionnaient pareil, pour toutes les classes : un pouvoir, utilisable à une certaine fréquence, un jet de d20, et une défense passive (CA ou autre) chez l’adversaire. Nettement plus simple, nettement plus cohérent. Les classes se valaient toutes, personne ne risquant d’être inutile, et chacun avait son rôle à jouer. Fini, donc, le magicien niveau 1 inutile après avoir lancé son malheureusement projectile magique. Et fini aussi le magicien haut-niveau réglant tout, tout seul. L’aspect « jeu de figurines » était certes présent, et pouvait s’enclencher (ou pas) lors des combats. Mais il était bien fait, vraiment tactique, et je préférais ça au côté « cul entre deux chaises » de la 3ème édition. Le combat a toujours été (et est toujours) très présent dans D&D, et la DD4 le rendait passionnant.

Pour autant, ça restait du jeu de rôle. Les règles hors-combats n’étaient pas moins biens qu’en DD3. Les bouquins offraient même des conseils concernant l’historique et la gestion de la personnalité (absents de la 3ème édition), des règles originales pour gérer les rencontres non-combat (les « skill challenges »)… Et on découvrait « l’invention » des minions (les montres à un seul point de vie, chose assez courante dans les jeux pulps, et très décriée dans DD4).

En termes de théorie LNS, DD4 s’est complètement lâché sur l’aspect ludique, avec une pointe de narrativisme… En sacrifiant peut-être un peu (trop) de simulationnisme, très présent dans DD3. DD4 représentait probablement une fracture trop importante. Peu importe : j’ai longtemps eu à cœur de défendre, seul contre tous, la quatrième, elle est maintenant morte et enterrée.

DD5

Et ce fut pour moi la fin du jeu de rôle… Trop de temps pour préparer une partie, trop compliqué de rassembler les gens, un MJ qui déménage… Le jeu de société c’est plus facile. On invite 2-3 amis à la maison, on sort une boîte et on joue.

Oui mais c’est pas pareil. Et la sortie de DD5 est maintenant l’occasion de remettre le pied à l’étrier.

Cette 5ème édition est vraiment intéressante… On dirait que les auteurs ont essayé de faire un best-of des différentes éditions, en incluant quelques points développés « récemment » dans le jeu de rôle. Le résultat est une édition pas tellement « waouw », mais clairement cool. Là où la 4ème édition a continué le travail d’auto-cohérence commencé sur la 3ème, DD5 repart en quelque sorte de cette 3ème édition, en la simplifiant fortement.

On retrouve ainsi un système plus proche de DD3, sans les listes de pouvoir de DD4. Vu qu’il y a beaucoup, hop, liste à puce :

  • A nouveau, les classes sont « déséquilibrées » (on abandonne la recherche d’équilibre à tout prix de la 4ème édition), mais sans que ça ait l’air gênant. L’écart reste plus faible que précédemment, et les magiciens ne craignent plus autant les mortelles griffes de chat.
  • On abandonne la spécialisation via classes de prestige pour retrouver un système proche des « kits » de AD&D2, plus logique je trouve.
  • On abandonne les 50 000 bonus/malus à calculer avant de lancer le moindre jet de dé. On a un bonus qui évolue avec le niveau, et c’est tout.
  • En situation avantageuse, on lance 2d20 et on garde le meilleur… et on en garde le moins bon en situation désavantageuse. Simple, fun, nickel.
  • Au niveau de la création, les choses sont radicalement simplifiées. Les compétences sont juste maîtrisées ou non-maîtrisées. Binaire, plus de chipotage. Les dons deviennent une option. Option intéressante, mais quand même. Plus clair, plus simple donc, mais aussi moins de personnalisation et de min-maxage possible (on aime ou pas).
  • La progression des personnages est moins raide, moins violente. On joue à nouveau des aventuriers, pas des demi-dieux.
  • Des sorts qu’on peut lancer à niveau « plus élevé »,  plus besoin de 3-4 sorts de soins différents par exemple.
  • Quelques règles plus ou moins optionnelles offrent des moyens de gagner des avantages par rapport au « roleplay ». Très narratif. On va même retrouver des moyens de gérer (en option toujours) la narration partagée dans le Guide du Maître.
  • Enfin, on dit au revoir au quadrillage. Retour aux règles fluides et aux combats à la volée ! D’ailleurs les règles de combat sont 3 fois moins longues qu’en 3E.

Bref, là où la 3ème édition se voulait principalement simulationniste, la 4ème ludiste, voici une 5ème narrativiste (toutes proportions gardées, ça reste du DD).

Sur le papier, impeccable.

Héros et Dragons

Euh… Oui, bon, l’histoire de la traduction de DD5 est un peu bizarre, avec 3 versions différentes. J’ai pu comparer deux versions (compatibles à 99%) : la DD5 officielle, et le Héros et Dragons revu (et amélioré) par Black Book. Oui, amélioré. Pour faire court : plus d’options, plus de races (dont des choses assez exotiques), plus d’historiques, plus d’archétypes, plus de règles optionnelles sympathiques… Des règles mieux rédigées aussi, et mieux structurées. Avantage à H&D. Moins d’illustrations par contre, même si je les trouve plus à mon goût (dans l’ensemble), et ce manque se fait surtout sentir dans le Bestiaire.

Les ouvrages DD5 « Dungeon Master’s Guide » et son équivalent H&D « Cadre de campagne » sont assez différents. le DMG tape plus large, offrant un peu tout au meneur de jeu, mais peut-être beaucoup de choses inutiles. Black Book a fait le choix, pertinent je trouve, d’inclure un univers, Alarian, décrit en un peu plus de 100 pages.

Avantage pour H&D !

Et maintenant ?

La lecture de la campagne Invincible est en cours. La création des personnages est déjà faite et la première séance de jeu ne saurait tarder. Plus d’informations plus tard, donc, dans de prochains articles. Avec peut-être des comparatifs plus poussés de D&D et H&D, peut-être avec Dragons (d’Agate Editions), des retours sur les différents univers et campagnes…

2 réflexions au sujet de « Dungeons and Dragons : 1, 2, 3, 3.5, 4, 5… »

  1. Merci pour cet article très intéressant. J’ajouterai humblement que les modules d’aventure officiels de dd4 étaient presque exclusivement orientés combat, ce qui renforçait l’aspect tactique de dd4, sans roleplay ou énigmes.

  2. Que de souvenirs….
    Grand joueur de D&D puis de AD&D (dans cet ordre) pour découvrir des années après mon arrêt du jdr que D&D3 sortait.
    J’ai replongé comme un camé sur son fixe après un sevrage trop long.

    Je confirme tout ce qui est au dessus, jolie analyse comparative. Ne connaissant pas la v4 et trop peu la v5 je suis gêné pour intervenir.

    Je suis récemment retombé dans ma collection v3 et v3.5 avec un immense bonheur. Pour être honnête je ne m’intéresse plus au bloc statistique ni aux infos des classes de prestige, ni autre. Je plonge sur le reste donc le background !
    Et avec les suppléments de contexte comme Stormwrack, l’excellent Frostburn, le bon Cityscape je me régale.

    Une autre série de livre non citée ce sont les exceptionnels Arcana Evolved de Monte Cook qui décrivent un monde assez entraînant et mieux pensé au niveau règle.

    Dans les suppléments annexes à vraiment consulter il y a le Collected book of experimental might qui remet le guerrier a l’honneur.

    Bon ca fait allègrement 30kg de papier ou plus quand on se plonge dans ce qui reste l’excellente version qu’est la v3 3.5.

    Bien a vous.

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